vendredi 28 août 2015

Geeks & hackers : quand l'informatique envahit votre tv


Oncle Erneste : c'est toi sur la photo?

Sol : Mais non enfin, tu vois bien que ce n'est pas moi tonton...

O.E. : Ah. Sinon tu te pointes comme ça, tu écris un truc alors que ça fait 2 mois que vous avez abandonné le blog? Tu crois peut-être que quelqu'un te suis encore? Franchement? 

Sol : Oui, bon... On s'est un peu reposé sur nos lauriers c'est vrai. Mais après tout, je n'ai pas envie d'être l'otage de l'infobésité.

O.E. : T'es maigre comme un clou.


Sol : Non, je te parle d'infobésité, de surinformation, de burn out.

O.E. : Tu essayes de me perdre mais ça marchera pas. Un blog ça s'entretient, comme une femme. Enfin sauf ta tante.

Sol : C'est pas très gentil, tonton. Bref, je reviens avec un gros article, un dossier même : l'informatique à la télé.

O.E. : Ah ben super. Tu penses que tu vas rameuter qui avec ça? Des binoclards boutonneux, des ados dépressifs et des gonzesses aux cheveux gras.

Sol : Alors ça c'est moche tonton. Franchement, je vais faire comme si je t'avais pas écouté. Je commence :

Qu’y a-t-il de moins télégénique que l’informatique ? Qu’un informaticien ? Désolé mais c’est un fait : de prime abord, il semble très difficile de rendre le tapotage sur le clavier passionnant. Sans compter le jargon qu’utilisent les informaticiens, langage ô combien obscur pour les non-initiés. Lorsqu’ils se pâment devant  les capacités d’un serveur, on a parfois du mal à exprimer la même émotion.

Et pourtant, depuis les années 80, les cinéastes ont tenté de rendre les enjeux de l’informatique palpables, de faire de ces frêles créatures binoclées des héros de film d’action. Ou tout du moins l’acolyte du héros.


Dans les années 2000, ce sont les séries tv qui se sont emparées de l’affaire. Et pour cause, le numérique a bouleversé nos vies : dans notre quotidien, sur le plan personnel, mais également au niveau mondial. La géopolitique ne peut actuellement faire abstraction des cyberguerres qui se mènent en souterrain entre les nations.

Si l’on ajoute à cela que les entreprises leaders dans le domaine du numérique ont un chiffre d’affaires équivalent au PIB de certains Etats, que leurs dirigeants sont écoutés par les plus grands présidents de la planète, on comprend bien que leur influence sur notre monde est tout sauf virtuelle.


The Code est une série australienne qui permet d’observer avec précision les mécanismes de protection de l’Etat lorsqu’il désire conserver un secret de portée nationale voire internationale. Les deux protagonistes principaux, deux frères, sont victimes de cette violence d’Etat. L’un d’eux est journaliste, l’autre est un hacker virtuose, qui souffre du syndrome d’Asperger. Leur relation est complexe et émouvante, et les acteurs sont remarquables.


Le réalisateur a imaginé un système pour visualiser les opérations effectués par le hacker lorsqu’il se trouve sur la toile : le contenu sort de l’écran pour s’afficher dans les airs, ce qui se révèle plutôt ingénieux. A défaut de comprendre, on visualise la progression de l’artiste qui s’infiltre dans des zones de non-droit, et les figures géométriques qui s’affichent et disparaissent font partie intégrante de son œuvre. Une esthétique du pirate, du voleur qui agit pour le bien.


A défaut d’être des génies, certains précurseurs dans l’univers de l’informatique se sont révélés être de véritables visionnaires. Dans Halt catch & fire, on suit plusieurs personnages passionnés de hardware (matériel) & de software (logiciels) qui vont, par leurs découvertes, enclencher le processus technique qui va aboutir à la révolution que nous connaissons actuellement.


Ce regard rétrospectif du réalisateur sur cette époque, à l’aune de ce que nous connaissons et vivons, procure un plaisir particulier pour le spectateur. On y voit les pionniers, les passionnés qui n’ont pas d’autre but que créer, ou simplement fabriquer dans leur garage. D’autres personnages ne possèdent pas leurs compétences techniques mais commencent à visualiser tout le potentiel commercial qui sommeille dans ces nouveaux outils.


Le bidouilleur rencontre le commercial, l’artisan rencontre le banquier. Comment articuler leurs intérêts qui, vous l’aurez deviné, en sont pas toujours identiques ? Comment vont réagir les grandes entreprises déjà en place, à la vue de ces jeunes prodiges qui risquent de tout faire basculer : les enrôler, les acheter, les contrer, les voler ou ne croiront-elles pas que la révolution est en train d’arriver ?

Dans Mr Robot, La série qui a alimenté le web durant l’été, un véritable génie de l’informatique est à l’œuvre. Elliot est employé dans une boîte de sécurité informatique le jour, et hacker la nuit. Il souffre de troubles psychologiques dont on ne connaît pas tout de suite la nature : autisme, syndrome d’asperger, schizophrénie, addiction ?


Le spectateur plonge littéralement dans l’esprit tourmenté du jeune pirate encapuché et assiste au déroulement de l’histoire à travers ses yeux. Une voix off entêtante, désenchantée, hallucinée finit de semer le trouble dans nos esprits.


La spécialité du personnage principal est de pirater les comptes (mails, dossiers médicaux, bancaires, etc.) de n’importe qui. Le réalisateur nous montre ainsi, si on ne le savait pas encore, à quel point toute notre vie et notre identité est désormais transférée dans le nuage d’internet. La confidentialité n’existe plus, un individu aux compétences techniques plus développées que la moyenne parviendra à découvrir les secrets de presque n’importe qui, pour le meilleur comme pour le pire. Car qu’est-ce qui anime Elliot ? Veut-il changer le monde pour un monde meilleur ou assumer ses pulsions destructrices, sa soif de contrôle ?


Ici les images de l’écran défilent à grande vitesse, pour montrer toute la dextérité d’Elliot. On assiste, éberlué, au pillage des informations et à leur manipulation. Elliot ressemble à un super héros dépressif, avec un sweat et une capuche noire comme costume, et des super pouvoirs qui lui imposent de grandes responsabilités. Et comme dans toute histoire de super héros, il y a un super vilain : Tyrell Wellick, ici particulièrement réussi.


Seuls bémols : Christian Bale, engagé ici pour jouer Mr Robot, est transparent à souhait / Le manichéisme n’est pas loin / Elliott est trop intelligent, troublé, bon pour être vrai ! / Enfin, on sent un peu trop que le réalisateur a fait un mix de plusieurs influences : Matrix, Fight Club, Dexter, American Psycho, peut-être le film Control.


Ces petites remarques mises à part, on a rarement vu un début de série aussi addictif. L’acteur principal est plutôt convaincant dans son rôle, qui ne doit pas être des plus simples à jouer. On l’accompagne dans une descente esthétisée vers un univers incertain et anxiogène à souhait. Reste à savoir si la saison 2 accentuera l’aspect adolescent superhéros dépressif  qui se cherche ou cherchera à complexifier ses personnages et trouvera ainsi un second souffle. A suivre.


Pour remonter des enfers de la pensée troublée d’ Elliot, rien de tel que regarder quelques épisodes de Silicon Valley. Je l’avoue d’emblée, j’ai mis beaucoup de temps à accrocher. On me l’avait vendu comme une série comique sur des geeks. Or, ce n’est pas big bang theory. Ici, pas de rires enregistrés ni de gags à la seconde. C’est une série très bien écrite qui évoque les difficultés d’un informaticien, créateur d’une application aux potentialités extraordinaires, pour faire connaître sa création. Il est épaulé de quelques autres geeks, tous très compétents dans leurs domaine, et tous plus ou moins déjantés. 


La série est drôle, voire très drôle parfois, et dresse un portrait assez acerbe des dirigeants de la Silicon Valley. La critique politique ne va pas beaucoup plus loin (on aurait pu imaginer bien pire), mais la série a le mérite de dépeindre une économie du numérique dans ses coulisses. On y voit les débuts difficiles de jeunes personnes arrivant en Californie pour faire de l’argent, comme les chercheurs d’or autrefois, et qui en repartent souvent ruinés. Au contraire, un adolescent peut se retrouver également millionnaire d’un jour à l’autre et propulsé à la tête d'une entreprise et responsable de plusieurs centaines d’employés.


L’informaticien est ici principalement vu comme un être décalé, du type impopulaire au collège mais  super fort en maths. Frêle et timide, le héros de l’histoire va semble-t-il prendre sa revanche sur l’univers de l’école où il devait se faire tout petit. A la Silicon Valley, les ex-souffre-douleur peuvent devenir les rois du monde (ou non).

Oncle Erneste : De mon temps, ça risquait pas. 

2 commentaires:

  1. Presque terminé la saison 1 de Mr. Robot, tout à fait d'accord sur l'analyse!!
    Rachel

    RépondreSupprimer
  2. Cool on est d'accord, ça se fête!

    RépondreSupprimer