samedi 19 décembre 2015

Bilan de l'année 2015 : mon top 11


L'année 2015 aura été riche en émotions, en partie grâce aux séries. Alors que l'arrêt de la série Mad Men marque selon certains la fin d'un âge d'or, il semblerait que les réalisateurs du petit écran ne l'entendent pas ainsi. Voici onze preuves qu'il fallait regarder la télé en 2015 :


1)      Mad Men

Comment vivre sans Mad Men ? C’est bien la question que je me suis posée lorsque je visionnais le générique de fin de cette fabuleuse série. Comment peindre le temps, rendre compte des années 50-60 aux Etats-Unis en racontant la vie de plusieurs personnages passionnants dans des décors ultra-soignés ? Les réalisateurs vous donneront la réponse. Certes, c’est une série exigeante, qui demande de la patience, mais quelle œuvre, quelle saga, quel souffle !

http://crevelecran.blogspot.fr/2015/05/the-americans.html

2)      The Americans

Un couple d’espions russes sur le sol américain, pendant la guerre froide. J’ai déjà dit tout le bien que j’en pensais ici.

 
3)      The Affair
 
Je n’ai pas eu encore l’occasion d’écrire à propos de cette série. Je la trouve tout simplement passionnante. Le pitch n’avait pourtant rien d’extraordinaire : l’histoire d’une aventure extra-conjugale… Seule originalité : la même histoire est narrée selon le point de vue de chaque personnage. Le simple fait de voir évoluer les deux acteurs principaux suffit à procurer un plaisir croissant. L’intrigue policière voudrait nous faire croire au thriller, mais l’essentiel n’est pas là : il s’agit avant tout d’une histoire d’amours, d’une vérité troublante.
 

4)      Veep

C’est ce qu’on appelle un « grower » = une série qui se bonifie au fil des saisons. Les 1ers épisodes laissent perplexe, on rit peu, on sourit. Et puis, assez mystérieusement, on s’attache à cette vice-présidente et à sa bande, on la suit un peu malgré nous. Et puis on rit, franchement. Et puis on la suite 4 saisons durant et on se dit que cette saison 4 est décidément vraiment meilleure que ce qui a précédé : une satire politique très drôle et très cynique. Et puis Julia Louis-Dreyfus.

http://crevelecran.blogspot.fr/2015/08/geeks-hackers-quand-linformatique.html

5)      Halt catch & fire
 
Des geeks, des requins et des passions. La formidable aventure des débuts de l’informatique narrée à travers les yeux de 4 personnages complexes et attachants. J’en disais du bien ici.

http://crevelecran.blogspot.fr/2015/08/geeks-hackers-quand-linformatique.html
 
6)      Mr Robot
 
Une plongée dans la psyché d’un hacker troublé (c’est le moins qu’on puisse dire) et génial qui
pourrait bien déclencher une révolution. Une série complètement addictive.

 

7)      Rectify

 C’est l’histoire d’un mec qu’on a condamné à mort parce qu’il aurait violé et tué une jeune fille et qui finalement est relâché car provisoirement disculpé. Vous suivez ?! C’est surtout l’histoire d’un mec qui a passé toute son adolescence en prison et qui ressort un peu… perturbé. C’est un ado de plus de 35 piges qui redécouvre la vie à l’extérieur, lentement, étonné par tout ou presque. La série est dure (je vous aurais prévenu) mais d’une poésie rare. Lancez-vous.

http://crevelecran.blogspot.fr/2015/09/montre-moi-un-heros.html

8)      Show me a hero

Une mini-série basée sur des faits réels, qui se sont déroulés dans les années 80 à Yonkers. Avec un Oscar Isaac au somment de sa forme. J’ai (presque) tout dit ici.

http://crevelecran.blogspot.fr/2015/08/geeks-hackers-quand-linformatique.html

9)      The code
 
Une mini-série australienne surprenante. L’histoire de deux frères, l’un journaliste l’autre hacker surdoué, qui vont être confrontés à un secret d’Etat. Du très bon.


10)   Fargo
 
Cette saison 2 revisite encore une fois l’univers des frères Coen, et plus particulièrement l’environnement de leur film du même nom. Ca pourrait être indigeste et c’est pourtant tout le contraire. Des personnages finement croqués, des dialogues bien écrits et des paysages magnifiques. La série peine un peu à démarrer mais à partir de l’épisode 4, c’est complètement fou !

http://crevelecran.blogspot.fr/2015/11/pablo.html

11)   Narcos

Pablo Escobar, ça vous dit quelque chose ? Même si vous répondez oui, je suis sûr que vous ne connaissez pas les détails de sa vie. Si ce n’était pas basé sur des faits réels, nous dirions que c’est trop gros. Un personnage « bigger than life », comme disent les américains. J’en ai dit + ici.
 
A vous maintenant!

Oncle Erneste : T'as pas autre à chose à faire que regarder la télé? A 35 ans, faudrait pt'êt' penser à aller voir les filles un peu, hein?

samedi 7 novembre 2015

Pablo


Si j’étais un publicitaire, un communiquant, je serai sans doute le plus nul. La preuve : je vais parler (en retard) d’une série dont tout le monde a déjà parlé. Eh bien oui, j’assume, car lorsque j’en ai parlé autour de moi, mystère : personne ne connaissait ou presque. D’où mon intention de réparer cela et ainsi de sauver le monde.

Oncle Erneste : qu’est-ce tu racontes ?

Sol : Tonton, je vais parler d’un personnage haut en couleur : Pablo Escobar.

Oncle Erneste : oui ben on connaît t’es gentil.


Sol : On le connaît de nom, certes, mais on ne connaît pas tous les détails de sa vie rocambolesque, qui est le sujet principal de la série Narcos, dont la première saison a été livrée par Netflix fin août de cette année 2015.

Oncle Erneste : je préfère les histoires de tonton Luigi.

Sol : Moi aussi je les aime ces histoires, mais c’est différent c’est tout.

Oncle Erneste : Ouais, les chicanos ont aucune morale alors que les ritals eux, ils ont un code de l’honneur au moins.

Sol : Si on passe au-dessus de tes appellations douteuses, je dirai que ce n’est pas aussi simple. Parlons plutôt de fiction, de Narcos.


J’y suis tout d’abord allé un peu à reculons. Encore une histoire de narco trafiquants, encore de la testostérone et de la violence gratuite en prévision. Le début de la série ne m’a pas tout de suite fait mentir : classicisme dans la mise en scène, la voix off du narrateur (un agent de la DEA) qui nous prend par la main, des petites phrases typiques des films d’action américains, pour attirer le spectateur dans son point de vue.
Et puis, après quelques minutes on est pris. Lorsque l’on s’en rend compte il est déjà tard, l’épisode 1 est fini, on veut voir le 2.


L’écriture, le rythme y sont pour beaucoup : les répliques fusent, l’histoire avance très vite, le décor est planté, les enjeux sont connus dès les premières images. Rien de révolutionnaire dans tout cela, mais une formidable efficacité.



Ce qui m’a le + conquis, c’est la présence des images d’archives. Dès le début de la série, la voix off nous indique : « ce n’est pas un hasard si le réalisme magique a été inventé en Colombie ». C’est exactement ce que l’on ressent en regardant les épisodes défiler. Si l’on était pas sûr que le récit est tiré de faits réels, on se dirait toutes les 3 minutes que non, là c’est pas possible, c’est trop gros. Et pourtant, aussi étrange et effrayant que cela puisse paraître, tout est vrai.


Pablo Escobar, ce monsieur qui fait plus vieux que son âge, aux allures de beauf mal fagoté, reste le plus grand trafiquant au monde, le génie du crime mégalomane et fou qui a construit sa propre légende. Aujourd’hui encore, des portraits du criminel ornent certains salons colombiens, et de nombreux t-shirt portent son effigie.


Je n’en dirai pas +, car je risquerai de trop en dévoiler. Je vous conseillerai simplement de ne pas consulter sa page wikipedia si vous ne connaissez pas la vie de ce personnage « bigger than life » comme disent les américains, et de vous laisser emporter par cette œuvre somme toute assez classique sur la forme, mais sidérante par son contenu.

Oncle Erneste : j’préfère Don Corleone.



mercredi 30 septembre 2015

Montre moi un héros


Mini-série américaine créée par David Simon (le showrunner de The Wire et Treme) et réalisée par Paul Haggis. Elle a été diffusée par l’incontournable HBO (Sopranos, Six feet under, Game of thrones…), et est adaptée du livre éponyme de Lisa Belkin, ancienne journaliste au New York Times.

Le pitch

La série se déroule dans la ville de Yonkers, dans la banlieue de New York, et décrit la forte résistance de la classe moyenne blanche face à l'installation d'habitations à loyer modéré dans leur voisinage direct, ordonné par la justice américaine. Qu'ils soient maire, conseiller municipal ou simple citoyen, on suit le parcours de plusieurs habitants, leurs prises de position pour ou contre ces « projects » (nom donné aux habitations à loyer modéré aux États-Unis) et l'impact que cela a sur leur vie. La série, qui a un déroulement chronologique, se passe entre 1987 et 1994.


Oncle Erneste : Dis donc, tu te foules de moins en moins, ça vient de Wikipedia ton résumé, je l’ai retrouvé.

Sol : Eh bien, disons que j’ai métier qui me prend beaucoup de temps et par conséquent, je ne peux tout rédiger moi-même.

O.E. : tu es bibliothécaire fiston…

S. : oui et alors ?

O.E. : tu vas pas me faire croire qu’entre ranger ta pile de livres et boire un café, tu n’as pas le temps d’écrire un truc correct ?!

S. : ah, ça y est, tout de suite les clichés. Bientôt tu vas me dire que je porte un chignon non ?

O.E. : ça t’irait bien.

S. : Bon, reprenons. Pourquoi j’ai aimé cette série ?

O.E. : parce que le héros est moustachu ?

S. : je ne vois pas le rapport.


O.E. : tu travailles qu’avec des femmes, tu dois être homo, comme les coiffeurs. Oh ça va je déconne. Le héros est moustachu, ce n’est pas un détail. Je te prédis que dans quelques années, après la barbe, ce sera la moustache qui revient à la mode. Y’a pas de raisons que les indiens et les turcs soient les seuls à porter les favoris.

S. : Hum, tu te surpasses là tonton. Je vais faire comme si je n’avais rien écouter.

O.E. : c’est imparable.


S. : J’ai aimé cette série car, à l’instar de The Wire et Treme (qui font partie de mon top 10), la série s’attache à une galerie de personnages, totalement incarnés. Nous sommes ainsi, spectateurs, mis à contribution : chaque point de vue doit être analysé pour appréhendé ce que les américains appellent « the big picture ».

Oscar Isaac est comme d’habitude brillantissime, mais ce n’est pas le héros que l’on pourrait croire. C’est un héros ordinaire, presque involontaire. Et la société, la multitude est plus forte que l’individu. On voit aussi le côté négatif de cela : des individus fermés, isolés vont se grouper et trouver leur force décuplée. Jusqu’à les aveugler. Ceux qui sont contre l’implantation de logements sociaux dans les quartiers blancs favorisés vont aller jusqu’à la violence physique pour exprimer leur mécontentement.



C’est justement en cela  que David Simon excelle. Au lieu de tomber dans le manichéisme (les pro et les anti-projects) il donne une voix à un personnage exceptionnel : catherine keener incarne une militante farouche contre la construction des logements à loyers modérés. Peu à peu, elle va comprendre les intentions cachées derrière ce mouvement…

Je n’en dis pas plus pour ne rien dévoiler. Le maire Wasiscko en est également la preuve. Il prend partie pour les opposants aux logements lorsqu’il s’agit de se faire élire puis se retrouve en position de défenseur du projet. Ainsi, David Simon n’oppose jamais deux camps frontalement, il donne à voir la complexité des trajectoires de chaque individu, pris dans son environnement qui l’influencera inéluctablement.


Si l’action se déroule dans les années 80, cette série très documentée fait  écho à des problèmes très contemporains. On pense évidemment aux violences policières sur les noirs aux Etats-Unis, mais également, plus près de chez nous, au débat sur le logement et sur la mixité sociale. Pourquoi est-ce si important ? Comment la mettre en œuvre ? Comment accepter l’autre, apprendre à le connaître ? Faut-il continuer, sur le modèle multiculturel anglo-saxon, à ghettoiser les populations défavorisées ou plutôt, en langage politiquement correct, à faire en sorte que les communautés cohabitent, mais bien séparées les unes des autres ? Comment éviter la gentrification ? 

Toutes ces questions sont posées, et c’est bien là la force de cette entreprise : créer une fiction divertissante qui donne au spectateur à penser.





vendredi 28 août 2015

Geeks & hackers : quand l'informatique envahit votre tv


Oncle Erneste : c'est toi sur la photo?

Sol : Mais non enfin, tu vois bien que ce n'est pas moi tonton...

O.E. : Ah. Sinon tu te pointes comme ça, tu écris un truc alors que ça fait 2 mois que vous avez abandonné le blog? Tu crois peut-être que quelqu'un te suis encore? Franchement? 

Sol : Oui, bon... On s'est un peu reposé sur nos lauriers c'est vrai. Mais après tout, je n'ai pas envie d'être l'otage de l'infobésité.

O.E. : T'es maigre comme un clou.


Sol : Non, je te parle d'infobésité, de surinformation, de burn out.

O.E. : Tu essayes de me perdre mais ça marchera pas. Un blog ça s'entretient, comme une femme. Enfin sauf ta tante.

Sol : C'est pas très gentil, tonton. Bref, je reviens avec un gros article, un dossier même : l'informatique à la télé.

O.E. : Ah ben super. Tu penses que tu vas rameuter qui avec ça? Des binoclards boutonneux, des ados dépressifs et des gonzesses aux cheveux gras.

Sol : Alors ça c'est moche tonton. Franchement, je vais faire comme si je t'avais pas écouté. Je commence :

Qu’y a-t-il de moins télégénique que l’informatique ? Qu’un informaticien ? Désolé mais c’est un fait : de prime abord, il semble très difficile de rendre le tapotage sur le clavier passionnant. Sans compter le jargon qu’utilisent les informaticiens, langage ô combien obscur pour les non-initiés. Lorsqu’ils se pâment devant  les capacités d’un serveur, on a parfois du mal à exprimer la même émotion.

Et pourtant, depuis les années 80, les cinéastes ont tenté de rendre les enjeux de l’informatique palpables, de faire de ces frêles créatures binoclées des héros de film d’action. Ou tout du moins l’acolyte du héros.


Dans les années 2000, ce sont les séries tv qui se sont emparées de l’affaire. Et pour cause, le numérique a bouleversé nos vies : dans notre quotidien, sur le plan personnel, mais également au niveau mondial. La géopolitique ne peut actuellement faire abstraction des cyberguerres qui se mènent en souterrain entre les nations.

Si l’on ajoute à cela que les entreprises leaders dans le domaine du numérique ont un chiffre d’affaires équivalent au PIB de certains Etats, que leurs dirigeants sont écoutés par les plus grands présidents de la planète, on comprend bien que leur influence sur notre monde est tout sauf virtuelle.


The Code est une série australienne qui permet d’observer avec précision les mécanismes de protection de l’Etat lorsqu’il désire conserver un secret de portée nationale voire internationale. Les deux protagonistes principaux, deux frères, sont victimes de cette violence d’Etat. L’un d’eux est journaliste, l’autre est un hacker virtuose, qui souffre du syndrome d’Asperger. Leur relation est complexe et émouvante, et les acteurs sont remarquables.


Le réalisateur a imaginé un système pour visualiser les opérations effectués par le hacker lorsqu’il se trouve sur la toile : le contenu sort de l’écran pour s’afficher dans les airs, ce qui se révèle plutôt ingénieux. A défaut de comprendre, on visualise la progression de l’artiste qui s’infiltre dans des zones de non-droit, et les figures géométriques qui s’affichent et disparaissent font partie intégrante de son œuvre. Une esthétique du pirate, du voleur qui agit pour le bien.


A défaut d’être des génies, certains précurseurs dans l’univers de l’informatique se sont révélés être de véritables visionnaires. Dans Halt catch & fire, on suit plusieurs personnages passionnés de hardware (matériel) & de software (logiciels) qui vont, par leurs découvertes, enclencher le processus technique qui va aboutir à la révolution que nous connaissons actuellement.


Ce regard rétrospectif du réalisateur sur cette époque, à l’aune de ce que nous connaissons et vivons, procure un plaisir particulier pour le spectateur. On y voit les pionniers, les passionnés qui n’ont pas d’autre but que créer, ou simplement fabriquer dans leur garage. D’autres personnages ne possèdent pas leurs compétences techniques mais commencent à visualiser tout le potentiel commercial qui sommeille dans ces nouveaux outils.


Le bidouilleur rencontre le commercial, l’artisan rencontre le banquier. Comment articuler leurs intérêts qui, vous l’aurez deviné, en sont pas toujours identiques ? Comment vont réagir les grandes entreprises déjà en place, à la vue de ces jeunes prodiges qui risquent de tout faire basculer : les enrôler, les acheter, les contrer, les voler ou ne croiront-elles pas que la révolution est en train d’arriver ?

Dans Mr Robot, La série qui a alimenté le web durant l’été, un véritable génie de l’informatique est à l’œuvre. Elliot est employé dans une boîte de sécurité informatique le jour, et hacker la nuit. Il souffre de troubles psychologiques dont on ne connaît pas tout de suite la nature : autisme, syndrome d’asperger, schizophrénie, addiction ?


Le spectateur plonge littéralement dans l’esprit tourmenté du jeune pirate encapuché et assiste au déroulement de l’histoire à travers ses yeux. Une voix off entêtante, désenchantée, hallucinée finit de semer le trouble dans nos esprits.


La spécialité du personnage principal est de pirater les comptes (mails, dossiers médicaux, bancaires, etc.) de n’importe qui. Le réalisateur nous montre ainsi, si on ne le savait pas encore, à quel point toute notre vie et notre identité est désormais transférée dans le nuage d’internet. La confidentialité n’existe plus, un individu aux compétences techniques plus développées que la moyenne parviendra à découvrir les secrets de presque n’importe qui, pour le meilleur comme pour le pire. Car qu’est-ce qui anime Elliot ? Veut-il changer le monde pour un monde meilleur ou assumer ses pulsions destructrices, sa soif de contrôle ?


Ici les images de l’écran défilent à grande vitesse, pour montrer toute la dextérité d’Elliot. On assiste, éberlué, au pillage des informations et à leur manipulation. Elliot ressemble à un super héros dépressif, avec un sweat et une capuche noire comme costume, et des super pouvoirs qui lui imposent de grandes responsabilités. Et comme dans toute histoire de super héros, il y a un super vilain : Tyrell Wellick, ici particulièrement réussi.


Seuls bémols : Christian Bale, engagé ici pour jouer Mr Robot, est transparent à souhait / Le manichéisme n’est pas loin / Elliott est trop intelligent, troublé, bon pour être vrai ! / Enfin, on sent un peu trop que le réalisateur a fait un mix de plusieurs influences : Matrix, Fight Club, Dexter, American Psycho, peut-être le film Control.


Ces petites remarques mises à part, on a rarement vu un début de série aussi addictif. L’acteur principal est plutôt convaincant dans son rôle, qui ne doit pas être des plus simples à jouer. On l’accompagne dans une descente esthétisée vers un univers incertain et anxiogène à souhait. Reste à savoir si la saison 2 accentuera l’aspect adolescent superhéros dépressif  qui se cherche ou cherchera à complexifier ses personnages et trouvera ainsi un second souffle. A suivre.


Pour remonter des enfers de la pensée troublée d’ Elliot, rien de tel que regarder quelques épisodes de Silicon Valley. Je l’avoue d’emblée, j’ai mis beaucoup de temps à accrocher. On me l’avait vendu comme une série comique sur des geeks. Or, ce n’est pas big bang theory. Ici, pas de rires enregistrés ni de gags à la seconde. C’est une série très bien écrite qui évoque les difficultés d’un informaticien, créateur d’une application aux potentialités extraordinaires, pour faire connaître sa création. Il est épaulé de quelques autres geeks, tous très compétents dans leurs domaine, et tous plus ou moins déjantés. 


La série est drôle, voire très drôle parfois, et dresse un portrait assez acerbe des dirigeants de la Silicon Valley. La critique politique ne va pas beaucoup plus loin (on aurait pu imaginer bien pire), mais la série a le mérite de dépeindre une économie du numérique dans ses coulisses. On y voit les débuts difficiles de jeunes personnes arrivant en Californie pour faire de l’argent, comme les chercheurs d’or autrefois, et qui en repartent souvent ruinés. Au contraire, un adolescent peut se retrouver également millionnaire d’un jour à l’autre et propulsé à la tête d'une entreprise et responsable de plusieurs centaines d’employés.


L’informaticien est ici principalement vu comme un être décalé, du type impopulaire au collège mais  super fort en maths. Frêle et timide, le héros de l’histoire va semble-t-il prendre sa revanche sur l’univers de l’école où il devait se faire tout petit. A la Silicon Valley, les ex-souffre-douleur peuvent devenir les rois du monde (ou non).

Oncle Erneste : De mon temps, ça risquait pas. 

jeudi 7 mai 2015

Américains, Russes, une grande histoire d'amour


Sol : La vie est injuste. Vous en doutez ? Alors pourquoi la série The Americans n’est jamais mentionnée aux Emmy Awards ? hein, pourquoi ?

Quoi ? Parce qu’on s’en fout ? Qui a dit ça ?

Oncle Erneste : c’est moi.

Sol : Mais tonton, c’est l’histoire d’un couple d’espions soviétiques qui vit en Amérique, en pleine guerre froide, et qui se fait passer pour des américains.

Oncle Erneste : oui bon les ruskofs contre les ricains ça m’intéresse mais on connaît déjà la fin.

Sol : Eh bien c’est ce qui est le plus surprenant effectivement : alors qu’on connaît la fin, la série est tout de même passionnante et l’on se demande même si cela va finir comme dans les livres d’Histoire, on voudrait presque, en tant que spectateur, que les choses changent…

Oncle Erneste : et puis quoi ? on finit tous bolcheviks, c’est ça que tu veux ?


Sol : Mais c’est une fiction tonton, même si elle semble très réaliste, très documentée (Joe Weisberg, qui a produit et réalisé la série, est un ancien agent de la CIA).

J’ai appris que, si l’on voulait donner envie de regarder une série à quelqu’un, il ne fallait pas trop en dire. Pourquoi ? Car l’on gâche le plaisir, même sans spoiler, on donne presque des directives à l’autre : tu dois aimer car c’est comme ci, c’est comme ça. En gros, tu dois aimer car c’est génial. Or, il est difficile de ne pas s’enflammer lorsque l’on aime quelque chose (ou quelqu’un).

Oncle Erneste : tu diras ça à tata Gina.

S. : alors je vais faire un compromis, je vais trancher la pastèque en deux : je vais m’enflammer, mais rapidement.
 


The Americans est une série à côté de laquelle on pourrait passer, car elle exige de la patience et de l’observation. Le rythme alterne entre la lente étude psychologique des personnages à travers les dialogues et de courtes séquences haletantes d’infiltration des espions, de missions risquées. Très peu de musique, très peu de lumière, nous sommes plongés au cœur des années 1980, dans le quotidien d’un couple d’espions soviétiques (Philip et Elizabeth) se faisant passer pour américains.

La tâche est pour eux d’autant plus compliquée que leurs 2 enfants nés sur le sol américain ne sont absolument pas au courant de leur double vie. Et, pour couronner le tout, devinez qui est leur nouveau voisin : un cadre du FBI ! Oui je sais, ça paraît gros, et pourtant la série est toujours très crédible, complexe et intéressante.


La capacité des américains d’explorer de manière critique leur histoire contemporaine est tout de même remarquable : après les années 50-60 dans Mad Men, voici les années 80 de The Americans. La toile de fond historique est constamment présente, à travers la télévision ou la radio, et dans les différentes intrigues qui jalonnent les épisodes : on y croise les contras du Nicaragua, les Moudjahidins afghans ou encore les militants anti-apartheid sud-africains.


Alors certes, la série n’est pas sans défaut : on peut se lasser de certaines longueurs ou de la trop grande complexité de certaines intrigues mais, pour peu qu’on s’attache à l’atmosphère si particulière de cette guerre souterraine, à ces personnages qui s’étoffent à chaque épisode, on sera largement récompensé.

En effet, les deux acteurs principaux sont exceptionnels, bien que les personnages secondaires ne soient pas en reste.


Le rapport entre ces deux espions est ambigu, étrange. L’Histoire, l’Etat, les a poussés dans les bras l’un de l’autre. Ils doivent jouer constamment, être des « autres ». Cette dichotomie est troublante, pour les acteurs comme pour le spectateur. On les voit parfaitement à l’aise dans l’hypocrisie, le mensonge lorsqu’ils parviennent à se convaincre que la cause, la grande cause est plus importante que les multiples incidents qui jonchent leur vie d’espion. Mais, comme tout être humain, parfois ils doutent…


Ce jeu est une magnifique réflexion sur ce qu’est un acteur mais pas seulement : jusqu’où un Homme peut-il prétendre être un autre, sans le devenir ? Comment vivre dans un environnement, un monde auquel on n’appartient pas, sans se laisser influencer, voire contaminer par celui-ci ? Comment vivre cet exil déchirant au milieu d’étrangers qui nous croient comme eux ? qui ignorent tout de notre passé ?


Les personnages jouent un rôle, des rôles : une véritable performance des acteurs mais également des costumiers : parfois nous mettons du temps à reconnaître les deux acteurs principaux. Pourrait-on dire que la série nous amène à réfléchir sur l’identité, la liberté et le libre arbitre ? Comme bien souvent dans l’œuvre de fiction on exacerbe un phénomène que l’on a tous expérimenté : la société nous impose des codes à respecter, ainsi nous rentrons dans la peau, nous jouons les rôles qui nous sont donnés : fille, fils puis femme, mari, mère, père, garçon de café, boulanger, politique. Quelle est la part de liberté, quelle est la part de déterminisme ? Nous n’allons pas trancher ici...
 

Parce qu’ils partagent cette extrême dualité, parce qu’ils partagent le même secret, ils vont être forcés de se rapprocher, alors qu’ils ne se sont pas choisis. La force de leur relation est proportionnelle à l’intensité de leur double vie partagée, ils sont tout l’un pour l’autre, ils doivent se faire confiance car leur vie en dépend. Ils sont véritablement liés jusqu’à la mort. Et nous d’être témoins d’une étrange histoire amour. Un mariage forcé, où l’amour naît dans la contrainte. Tellement politiquement incorrect. Et pourtant, nous sommes témoins de la conviction politique de ces personnes. On pourrait même parler de la foi en un système politique, une croyance dans les deux dernières grandes idéologies politiques, dont l’une va s’effondrer prochainement. Ou croire aux rayons d’une étoile morte en somme.


Ainsi, les questionnements de Philip sont les fissures qui apparaissent sur le mur de Berlin. Mais, plus généralement, la série questionne notre rapport à l’engagement. Et c’est en cela qu’elle est particulièrement contemporaine : on est ébahi devant cette croyance qui n’est plus et nous rappelle cruellement combien l’époque est propice au nihilisme, à la tentation de l’extrême ou plus souvent, à l’abstention. Le capitalisme, le libéralisme a gagné, et il n’y a guère d’alternative.

Oncle Erneste : je te l’avais bien dit.

Sol : tonton… bon sinon, je n’ai pas réussi à ne pas m’enflammer, j’espère que je vous aurais tout de même donner envie de goûter à cette série passionnante et que…

Oncle Erneste : Nan. 

Sol : Tu fais du mauvais esprit.

Oncle Erneste : Nan. 

Sol : C'est un peu facile de parler sans argumenter, tu ne crois pas?

Oncle Erneste : Nan.

Sol : Tu as buggé tonton.

Oncle Erneste : ...



Par curiosité, comparez cette bande-annonce (en vo) avec celle qu'a réalisé Canal + en VF...