jeudi 26 juin 2014

Babycall


Tartine : Anna a fui son ex-mari violent, avec son fils de 8 ans, Anders. Ils emménagent dans un petit appartement, gardant leur adresse confidentielle, et ne recevant la visite que de deux agents des services sociaux. Terrifiée à l’idée que son ex-mari ne les retrouve, Anna achète un babyphone pour être sûre qu’Anders soit en sécurité pendant son sommeil. Mais d’étranges bruits, provenant d’un autre appartement viennent parasiter le babyphone. Anna croit entendre les cris d’un enfant... 

Le scénario de Babycall, du norvégien Pal Sletaune, est d'une simplicité redoutable. Impossible de ne pas se dire qu'on a déjà lu ça quelque part...


Pourtant, l’œuvre possède deux atouts majeurs : le premier est la formidable Noomi Rapace, qui porte le film sur ses frêles épaules, et le second est cette atmosphère de paranoïa latente dans laquelle le réalisateur plonge son héroïne.

En provenance de Scandinavie, cette tragédie aux allures de film fantastique (Babycall a obtenu le Grand Prix 2012 du Film Fantastique de Gérardmer) tisse sa toile autour du personnage d'Anna, dont le fragile équilibre tend à se fissurer à tout moment. L'amour d'Anna pour son petit garçon est tout ce qui la maintient encore debout, elle qui a tant été persécutée...


Le film de Pal Sletaune m'a beaucoup fait penser à Dark Water d'Hideo Nakata, lui aussi Grand Prix de Gérardmer en 2003 : la peur qui s'insinue petit à petit en Anna comme en Yoshimi (l'héroïne du film de Nakata), ce climat de tension et d'angoisse dont sont imprégnés les deux films, cet équilibre entre réel et surnaturel, entre réalité et fantasme, et bien sûr ces deux magnifiques histoires d'amour mère-enfant, jusqu'au sacrifice...

Je n'en dirais pas plus pour ne pas spoiler aucun des deux films...

Babycall est un très joli exercice de style...

Jeannine : Hein ?... Qu'est ce que tu as dit ? J'ai pas entendu, je regardais le match...




vendredi 6 juin 2014

Le Choc cinématographique de ma courte vie


Sol : Je vais m’adonner à un exercice quelque peu périlleux : parler d’un film sur lequel tout a sans doute déjà été dit et écrit. Je n’ai rien lu de ces critiques et commentaires, qu’ils soient d’époque ou non. Je vais tenter d’en parler avec un regard neuf et humble, qui est le mien. Stalker est le dernier film du réalisateur russe Andrei Tarkovski, le premier que je vois. 

Le résumé :
Il existe une zone, lieu dont personne ne connaît la nature. A-t-elle été touchée par une bombe atomique ? Une météorite ? La venue d'extraterrestres ? Cette zone est crainte par tout le monde et cernée par la police. On ne peut y entrer : elle est considérée comme dangereuse. En son cœur, on dit qu'il existe un lieu, « la chambre », où tous les souhaits peuvent être réalisés. Des passeurs, nommés « stalkers », peuvent guider ceux qui tentent d'atteindre la zone…


Les sensations que l’on peut éprouver devant les premières images du film sont multiples : la surprise, la mélancolie ou la perplexité. Dire que ce film est cérébral, dans le bon sens terme, n’est évidemment pas faux mais réducteur : c’est une expérience visuelle unique, une expérience physique. Le noir et blanc très contrasté, avec un grain si particulier place d’emblée le spectateur dans une dimension inconnue. L’image va évoluer au fil du film et contribue, à l’instar du scénario, à nous placer sur le champ de l’incertitude.

Les images, parlons-en : comment expliquer que certains plans nous restent gravés en mémoire pendant des semaines, des mois voire des années, sinon le fait qu’ils sont le fruit d’un travail et d’une création remarquables ? Comment oublier le parcours de ces personnages au caractère opposé, leur visage qui reflète si bien les passions de l’âme ? Ces trois hommes embarqués dans une aventure physique et spirituelle vont s'entraider puis s'affronter dans une quête philosophique. Stalker fait partie des films qui inventent un langage, ouvrent des possibles. C'est une œuvre totale, qui hante l’esprit, alimente la réflexion et les sens.


Horace écrivait « ut pictura poesis erit » : il en est de la poésie comme de la peinture. Le cinéma est comparable aux deux arts, les intègre presque. Le poète crée des images dans nos esprits, le peintre y crée des mots. Le cinéaste par les images crée des mots, et par les mots des images. Tarkovski est un peintre, un poète mais surtout un cinéaste de génie.

Son œuvre, radicale par sa mise en scène, lente et contemplative, respecte une narration classique. Sur le parcours des trois personnages principaux, plusieurs lectures pourront être faites. Comme ce fût le cas pour « 2001 Odyssée de l’espace », de nombreuses interprétations ont vu le jour suite au film de Tarkovski. Je ne m’aventurerai pas sur ce terrain là, d’autres l’ont déjà faitmieux que moi.


Stalker est un film de Science-fiction qui transcende le genre par son caractère humain et universel. La dimension métaphysique du film pourrait rebuter certains spectateurs, on ne frôle pourtant jamais le pensum froid et complexe. Si l’on a déjà lu Dostoievski, on saura qu’une œuvre dense peut être lue sans peine, avec passion. C’est le cas de Stalker, qui est un film audacieux, surprenant, radical, métaphysique et charnel : une œuvre totale, disais-je, sur la foi et la raison, qui bouleverse et féconde, qui surprend et émeut, qui parle au cœur et à l’âme, en somme.

Oncle Erneste : C’est moi qui vais piquer un somme…